Bonaparte, premier Consul, au nom du peuple français, proclame loi de la République le sénatus-consulte dont la teneur suit:

 

 

Extrait des registres du Sénat conservateur, du 6 floréal an X.
 

 

Sénatus-consulte
relatif aux émigrés

Du 6 Floréal an X (26 avril 1802)

 

Senatsbeschluß
betreffend die Emigranten.

vom 6. Floreal des Jahres X (26. April 1802)

 

Le Sénat Conservateur, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de la Constitution;

Vu l'extrait du registre des délibérations du conseil d'état, du 26 germinal dernier, contenant un projet d'acte d'amnistie concernant les émigrés, renvoyé au conseil d'état par les Consuls de la République, l'avis du conseil d'état sur ce projet, ledit avis approuvé par le premier Consul, et tendant à ce que le projet d'acte d'amnistie soit présenté au Sénat pour devenir la matière d'un sénatusconsulte;

Vu pareillement l'arrêté du premier Consul, du 4 de ce mois, par lequel trois conseillers d'état sont nommés pour porter au Sénat le projet d'acte d'amnistie et en exposer les motifs;

Après avoir entendu les orateurs du Gouvernement sur les motifs qui ont déterminé les différentes dispositions dudit projet;

Délibérant sur le rapport qui lui a été fait, à cet égard, par sa commission spéciale, nommée dans la séance du 4 de ce mois;

Considérant que la mesure proposée est commandée par l'état actuel des choses, par la justice, par l'intérêt national, et qu'elle est conforme à l'esprit de la Constitution;

Considérant qu'aux diverses époques où les lois sur l'émigration ont été portées, la France, déchirée par des divisions intestines, soutenait, contre presque toute l'Europe, une guerre dont l'histoire n'offre pas d'exemple, et qui nécessitait des dispositions rigoureuses et extraordinaires;

Qu'aujourd'hui la paix étant faite au-dehors, il importe de la cimenter dans l'intérieur par tout ce qui peut rallier les Français, tranquilliser les familles, et faire oublier les maux inséparables d'une longue révolution;

Que rien ne peut mieux consolider la paix au-dedans, qu'une mesure qui tempête la sévérité des lois et fait cesser les incertitudes et les lenteurs résultant des formes établies pour les radiations;

Considérant que cette mesure n'a pu être qu'une amnistie qui fit grâce au plus grand nombre, toujours plus égaré que criminel, et qui fit tomber la punition sur les grands coupables, par leur maintenue définitive sur la liste des émigrés;

Que cette amnistie, inspirée par la clémence, n'est cependant accordée qu'à des conditions justes en elles-mêmes, tranquillisantes pour la sûreté publique, et sagement combinées avec l'intérêt national;

Que des dispositions particulières de l'amnistie, en défendant de toute atteinte les actes faits avec la République, consacrent de nouveau la garantie des ventes des biens nationaux, dont le maintien sera toujours un objet particulier de la sollicitude du Sénat conservateur, comme il l'est de celle des Consuls,

Le Sénat conservateur DÉCRÈTE ce qui suit :

 

Der Erhaltungssenat, in der durch den 90. Artikel der Verfassung vorgeschriebenen Zahl der Mitglieder versammelt,

 

TITRE I.er
Dispositions relatives aux personnes des émigrés.
 

 
ART. I.er. Amnistie est accordée, pour fait d'émigration, à tout individu qui en est prévenu et qui n'est pas rayé définitivement.

 

 

Art. II. Ceux desdits individus qui ne sont point en France, seront tenus d'y rentrer avant le 1.er vendémiaire an XI.

 

 
Art. III. Au moment de leur rentrée, ils déclareront devant les commissaires qui seront délégués, à cet effet, dans les villes de Calais, Bruxelles, Mayence, Strasbourg, Genève, Nice, Baïonne, Perpignan et Bordeaux, qu'ils rentrent sur le territoire de la République en vertu de l'amnistie.

 

 

Art. IV. Cette déclaration sera suivie du serment d'être fidèle au Gouvernement établi par la Constitution, et de n'entretenir, ni directement ni indirectement, aucune liaison ni correspondance avec les ennemis de l'État.

 

 

Art. V. Ceux qui ont obtenu des puissances étrangères, des places, titres, décorations, traitemens ou pensions, seront tenus de le déclarer devant les mêmes commissaires, et d'y renoncer formellement.

 

 

Art. VI. A défaut par eux d'être rentrés en France avant le 1.er vendémiaire an XI, et d'avoir rempli les conditions portées par les articles précédens, ils demeureront déchus de la présente amnistie, et définitivement maintenus sur la liste des émigrés, s'ils ne rapportent la preuve en bonne forme de l'impossibilité où ils se sont trouvés de rentrer dans le délai fixé, et s'ils ne justifient en outre qu'ils ont rempli, avant l'expiration du même délai, devant les agens de la République envoyés dans les pays où ils se trouvent, les autres conditions ci-dessus exprimées.

 

 

Art. VII. Ceux qui sont actuellement sur le territoire français, seront tenus, sous la même peine de déchéance et de maintenue définitive sur la liste des émigrés, de faire dans le mois, à dater de la publication du présent acte, devant le préfet du département où ils se trouveront, séant en conseil de préfecture, les mêmes déclaration, serment et renonciation.

 

 

Art. VIII. Les commissaires et préfets chargés de les recevoir enverront sans délai, au ministre de la police, expédition en forme du procès-verbal qu'ils en auront dressé. Sur le vu de cette expédition, le ministre fera rédiger, s'il y a lieu, un certificat d'amnistie, qu'il enverra au ministre de la justice, par lequel il sera signé et délivré à l'individu qu'il concerne.

 

 

Art. IX. Sera tenu ledit individu, jusqu'à la délivrance du certificat d'amnistie, d'habiter la commune où il aura fait la déclaration de sa rentrée sur le territoire de la République.

 

 

Art. X. Sont exceptés de la présente amnistie,
1.° les individus qui ont été chefs de rassemblemens armés contre la République;
2.° ceux qui ont eu des grades dans les armées ennemies;
3.° ceux qui, depuis la fondation de la République, ont conservé des places dans les maisons des ci-devant princes français;
4.° ceux qui sont connus pour avoir été ou pour être actuellement moteurs ou agens de guerre civile ou étrangère;
5.° les commandans de terre ou de mer, ainsi que les représentans du peuple, qui se sont rendus coupables de trahison envers la République; les archevêques et évêques qui, méconnaissant l'autorité légitime, ont refusé de donner leur démission.

 

 

Art. XI. Les individus dénommés en l'article précédent, sont définitivement maintenus sur la liste des émigrés ; néanmoins le nombre n'en pourra excéder mille, dont cinq cents seront nécessairement désignés dans le cours de l'an X.

 

 

Art. XII. Les émigrés amnistiés, ainsi que ceux qui ont été éliminés ou rayés définitivement depuis l'arrêté des Consuls du 28 vendémiaire an IX, seront, pendant dix ans, sous la surveillance spéciale du Gouvernement, à dater du jour de la radiation, élimination, ou délivrance du certificat d'amnistie.

 

 

Art. XIII. Le Gouvernement pourra, s'il le juge nécessaire, imposer aux individus soumis à cette surveillance spéciale, l'obligation de s'éloigner de leur résidence ordinaire jusqu'à la distance de vingt lieues[viii] : ils pourront même être éloignés à une plus grande distance, si les circonstances le requièrent ; mais dans ce dernier cas, l'éloignement ne sera prononcé qu'après avoir entendu le conseil d'état.

 

 

Art. XIV. Après l'expiration des dix années de surveillance, tous les individus contre lesquels le Gouvernement n'aura point été obligé de recourir aux mesures mentionnées en l'article précédent, cesseront d'être soumis à ladite surveillance : elle pourra s'étendre à la durée de la vie de ceux contre lesquels ces mesures auront été jugées nécessaires.

 

 

Art. XV. Les individus soumis à la surveillance spéciale du Gouvernement, jouiront, au surplus, de tous leurs droits de citoyen.

 

 

TITRE II.
Dispositions relatives aux biens.
 

 

Art. XVI. Les individus amnistiés ne pourront, en aucun cas et sous aucun prétexte, attaquer les partages de présuccession, succession, ou autres actes et arrangemens faits entre la République et les particuliers avant la présente amnistie.

 

 

Art. XVII. Ceux de leurs biens qui sont encore dans les mains de la nation (autres que les bois et forêts déclarés inaliénables par la loi du 2 nivôse an IV, les immeubles affectés à un service public, les droits de propriété ou prétendus tels sur les grands canaux de navigation, les créances qui pouvaient leur appartenir sur le trésor public, et dont l'extinction s'est opérée par confusion au moment où la République a été saisie de leurs biens, droits et dettes actives), leur seront rendus sans restitution de fruits, qui, en conformité de l'arrêté des Consuls du 29 messidor an VIII, doivent appartenir à la République, jusqu'au jour de la délivrance qui leur sera faite de leur certificat d'amnistie.

 

 
     Le présent Sénatusconsulte sera transmis, par un message, aux Consuls de la République.

Signé
TRONCHET, président;

CHASSET, SERRURIER, secrétaires.

Par le Sénat conservateur:
le secrétaire général,
signé
CAUCHY.

SOIT le présent sénatusconsulte revêtu du sceau de l'État, inséré au Bulletin des lois, inscrit dans les registres des autorités judiciaires et administratives, et le ministre de la justice chargé d'en surveiller la publication.

A Paris, le 6 Floréal, an X de la République.

Signé
BONAPARTE, premier Consul.

Contre-signé,
le secrétaire d'état,
HUGUES B. MARET.

Et scellé du sceau de l'État.

Vu, le ministre de la justice,
signé
ABRIAL.

 

 

Quellen: Bulletin des lois de la Républikque français 1801/1802, Nr. 178
 

Quellen: eigene Übersetzung (ohne Gewähr)
 

 


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5. Mai 2001 - 30. Dezember 2016


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